Voilà
65 années….
le SOE dans l'Orne.
Texte
rédigé en Juillet 2005.
Une certaine euphorie se manifesta dés les premiers succès
alliés qui se dessinèrent en Afrique du nord
et en Italie La Corse premier département français si proche de
nous venait d’être libérée. L’espoir commençait à renaître
et
chaque français vivant cette période d’occupation tentait d’oublier
l’échec de la tentative de débarquement de Dieppe en Août
1942 où périrent
plus de six mille soldats
canadiens et anglais. Terrain d’expérience qui laissa un goût
amer et
laissa planer une atmosphère de doute et de suspicion quand aux capacités
des alliés à vouloir libérer notre territoire.
Mais
l’exaspération et la
rancune des hommes placés sous le joug germanique à l’intérieur des
terres se faisaient de moins en moins silencieuses et les réseaux de résistance
se manifestaient chaque jour dans nos villes et nos campagnes.
C’est en Août 1940 qu’un conseil du cabinet de guerre présidé par
Winston Churchill décida de créer le Spécial Operations Executive
( SOE ) l’une des machines de guerre les plus originales et les
plus efficaces. Coordonner toutes les actions qui seront désormais
entreprises contre l’ennemi sur le continent par le moyen de la
subversion et du sabotage. Le BCRA service secret de la France libre basé
en Angleterre était secondé sur le territoire national par le BOA
(Bureau des Opérations Aériennes) organisme formé de résistants
opérant dans nos régions recevant et stockant des armes sur des terrains
identifiés dans l’Orne par
Edouard Paysant à la demande de la RAF. Ces
terrains étaient alors préparés
et balisés par un comité de réception chargé de la récupération des
containers.
Retraçons
cette période troublée qui précéda le débarquement.
En
ce mois de Mai 1944 On ne peut douter qu’un grand événement se prépare.
Les messages de la BBC malgré le brouillage allemand prolifèrent sur les
ondes et chaque français attend le cœur rempli d’espoir une délivrance
hypothétique après 4 années d’occupation germanique. En
effet depuis plusieurs semaines l’aviation alliée disloque les voies
ferroviaires et routières, écrase les gares d’Argentan, l’Aigle,
Mortagne, Surdon, détruit et
pilonne les ponts et les concentrations de matériel de transport.
Chaque
soir une armada de bombardiers nous survole haut dans le ciel et se dirige
vers le Sud, inquiétant grondement
qui prend naissance dés la nuit tombante, dans
une nuit sombre ou étoilée.
Nous supposons que les points de concentration des usines du centre de la
France et du nord de l’Italie représentent leur principal objectif. Il
est vrai que notre département se trouve sur l’axe nord sud conduisant
à des centres industriel importants.
Dés
le lever du jour
après, le passage de cette nuée de bombardiers poursuivis par les
projecteurs et les radar allemands, nous
retrouverons dans les champs et les jardins et même sur les toits des
maisons les mystérieux rubans argentés qui
inquiètent tant les habitants. Ignorant la signification de ces objets
tombés du ciel, le maire se voit dans l’obligation de placarder une
note municipale imposant aux habitants de ne pas toucher ces objets
inconnus jonchant le sol. Ceux ci s’avéreront d’ailleurs
totalement inoffensifs puisqu’il s’agit du système de protection
composé de bandes métalliques anti radar, utilisé par les alliés pour
tromper la vigilance des batteries de DCA allemandes. Ces nuages opaques,
appelés « windows » par les alliés, interceptaient
les rayons émis du sol par les radars allemands et apportaient des
informations erronées quand à la direction, au nombre et la vitesse
prises par les escadres de bombardiers vers leur objectif.
Les
pertes furent nombreuses en cours de route… aussi bien en direction de
l’objectif mais aussi sur le chemin du retour.
Témoignage
de hugh Verity, célèbre pilote de la RAF spécialisé dans les missions
secrètes, avec lequel j’ai
correspondu pendant quelques années :
« Dans la nuit du 16 au 17
août 1943 à 22 heures 25 prés d’Alençon, je connus une expérience
navrante. A une distance d’environ un kilomètre, dans la nuit noire, je
vis un appareil s’abattre en flammes. Ce devait être le travail d’un
chasseur de nuit que je n’avais pas vu. J’espérais à la lueur des
flammes apercevoir des parachutes mais je n’en vis aucun ».
En
fait cet avion en flammes revenant d’un raid sur Turin,
largua par sécurité ses bombes aux environs de Boitron avant de
s’abattre au Chenay. Les membres de l’équipage sont tous inhumés au
cimetière du Mans.
La
crainte des patrouilles ….
Alors
que le silence s’installe sur notre petite ville, le pas d’une
patrouille résonne sur les
pavés de notre grande place. Crâne rasé
impassibles sous leur calot, ce
sont les mongols, ceux que tout le monde craint… les Ostruppen ou
troupes de l’est ralliés aux allemands (armée Vlassof ). Commandés et
dirigés par un feldwebel perpétuellement aux aguets, ils surveillent le
camouflage des fenêtres et des embrasures de portes et veillent à
l’observation rigoureuse du couvre feu. Ils
imposent la crainte... et pourtant voilà un mois, de ma fenêtre place du
parquet, j’avais pu observer un garçon de manége d’auto scooter leur
tenir tête. Une violente échauffourée opposa sur la place du Parquet
ces guerriers excités, refusant de payer, à un jeune et vaillant forain.
Ce dernier refusa de céder à la force en prenant faits et cause pour les
jeunes français et espagnols occupants les voitures. La
Feldgendarmerie toujours aux aguets, confrontés à ces soldats d’une
autre culture, accourut sur les lieux et en force embarqua tous les belligérants.
Le lendemain, après une nuit passée dans une geôle improvisée du palais
épiscopal en partie occupé par la Wehrmacht, notre garçon de manége réapparut
couvert de pansements, le bras en écharpe, mais fier de son exploit.
Comme
tous les sagiens, des la tombée de la nuit, nous nous empressons
d’ajuster les rideaux noirs de notre vitrine qui sert quelquefois de
cible à de nombreuses bouteilles vidées de leur contenu. Aucun sagien ne
prend le risque de braver le couvre feu.
Au
collège, sécurité oblige, l’un de nous est préposé à
l’installation des rideaux noirs. La patrouille jugeant le camouflage
insuffisant surgit dans notre cour et nous oblige à calfeutrer portes et
fenêtres, dans un lieu où Jean Mazeline exerça une année auparavant
ses fonctions d’instituteur d’Octobre 42 à Juin 43 avant d’apporter
son aide aux parachutages du maquis de Mortagne.
Que se
passe t’il dans nos villes et nos campagnes ?
A
cette date, l’avion et les techniques radio récentes ont déjà révolutionné
les moyens d’action des belligérants de la seconde guerre mondiale,
imposant des changements essentiels à la nature, au déroulement et aux
formes de la lutte clandestine.
On
peut dire que la BBC (radio de Londres à destination des nations occupées), que chacun écoutait
discrètement, règle l’existence de la plupart des français,
tout au moins pour ceux qui accordent la plus grande confiance aux alliés
en écoutant les nouvelles transmises par Robert Schuman, Jean Marin,
Pierre Jourdan et Pierre Dac.
Pour
ce qui est de la lutte clandestine organisée par les réseaux de résistance,
une évidence s’impose, les conquêtes techniques constituent des atouts
aux effets incalculables.
Que
pouvait faire la résistance si les combattants de l’ombre, même
pourvus d’un courage exceptionnel, n’avaient eu pour eux la voie des
airs, sans la possibilité offerte de la sorte à la France libre et aux
alliés de pénétrer au coeur d’un territoire occupé par l’ennemi ,
en rivalisant avec les dangers de la mer, les défenses des frontières et
des fortifications. Comment les groupes de résistants pouvaient ils
communiquer avec nos futurs libérateurs ?
Recevoir
du ciel par une nuit de pleine lune, quel que soit le temps, des armes,
des munitions, des médicaments… tel est l’enjeu
de cette lutte qui oppose sur terre et dans les airs, la Luftwaffe, la
flak allemande, la Wehrmacht, les bombardiers alliés, et les
résistants combattants de l’ombre disséminés dans les maquis.
Les
messages de la BBC.
Sans
la télégraphie sans fil, sans les émissions des radios clandestins éparpillés
à travers la France, sans les écoutes de Londres, sans les messages
personnels de la BBC, comment auraient pu s’effectuer les liaisons, se
transmettre les instructions, s’échanger les renseignements ? Chaque
soir les messages les plus sibyllins abondent sur la BBC, que beaucoup de
français écoutent discrètement avec la crainte permanente d’être
surpris.
Un
message secret de la radio de Londres annonce le lieu d’un parachutage
et la date du rendez vous adressés à différentes équipes sur le qui
vive mais conscients du danger.
L’heure
du rendez-vous.
Handley-Page Halifax.
Pour
être présent au rendez vous et échapper aux
tirs de la DCA et aux chasseurs de nuit de la Luftwaffe, l’avion
anglais décollant de
Temsford, doit naviguer feux éteints dans la pénombre, repérant les
points stratégiques, lacs, ponts, lignes de chemin de fer, cours d’eau,
villes calfeutrées... toutes sortes de signes distinctifs avant de
trouver enfin un terrain identifié par la présence au sol de lampes
torches formant une lettre de reconnaissance. Il s’agit
de larguer à cet endroit précis les containers de munitions et de
médicaments attendus par les résistants.
Au
cœur de ces paysages grandioses et inconnus, obscurcis par la nuit, il
faut à tout prix trouver le terrain défini par différents
codes et le contenu d’un message secret.
Ignorant
cette guerre de l’ombre pendant cette période d’occupation, un soir
de clair de lune, je vis un lourd bombardier passant à basse altitude
tous feux éteints au dessus de la ville… surprise totale ! Quel était
donc cet avion bruyant bravant la chasse de nuit allemande ?
J’ai
compris tardivement, quelques mois après la libération, la
signification de ces vols de nuit mystérieux. Le parachutage d’armes et
de munitions indispensables à la résistance ornaise… Telle était la
mission de ces bombardiers en plein territoire occupé …au nez et
a la barbe des DCA germaniques
et bien sûr des chasseurs de nuit de la Luftwaffe toujours aux aguets...
Qui
devions nous admirer le plus en ces nuits de pleine lune… le sang froid
de ces équipages du
Commonwealth
composé majoritairement d’anglais,
canadiens, australiens,
sud
africains, néo
zélandais
et polonais..
ou la détermination des comités de réception
au sol, composés d’hommes au courage énorme, conscients du danger mais
prés à se sacrifier pour la cause de la résistance ?
« Le
premier parachutage dans l’Orne eut lieu sur le terrain du Vieux
Montmerrei le chef de terrain était Chevreuil de Mortrée. Je l’ai
rejoins à 22 heures avec son équipe composée d’une dizaine d’hommes
de Mortrée dont le brigadier de gendarmerie. Vers
minuit l’avion est apparu et
nous a lâché des colis 12 containers, 11 d’armes contenant deux
FM,
des mitraillettes Sten, des pistolets et des munitions plus le colis spécial
contenant tabac cigarettes et thé »
(source: Archives de l'Orne).
L’équipe Tessier
de Tanville (le pére « le sanglier » et ses deux fils
surnommés « les marcassins ») parcourut de longues randonnées
en forêt, dormant à proximité des lieux de parachutages dans des
conditions extrêmement précaires, bravant les intempéries mais surtout
la menace permanente des patrouilles allemandes conscientes de la présence
de ces réseaux clandestins. Les équipes de réception, dés la récupération
au sol des précieux containers, dissimulaient
provisoirement les objets tant attendus dans les buissons, sous une couche
de feuilles mortes ou de fougères ou au creux d’un fossé.
Une véritable existence d’homme des bois...
Encore fallait il un
moyen de transport approprié et une cache adaptée pour conserver en
toute sécurité ce matériel facilement repérable.
Avions
ravitailleur de maquis abattus en cours de mission dans le département de
l’Orne, avant et après le débarquement
du 6 Juin 1944.
En
général, ces avions britanniques étaient lourdement chargés et le fait
de voler à basse altitude représentait un handicap certain.
Le
12 Août 1943, un
Halifax du 138 eme Squadron basé à Temsford , en mission SOE,
touché par la flak en volant à une altitude de 500 mètres, s'abattait
vers 23.30 heures dans un herbage en bordure Est du bois du Frileux,
commune d'Ecorcei (Orne).
L'avion
ravitailleur de maquis préparait un lancer de parachutes pour le réseau
clandestin Spruce 20 /21.
Deux
aviateurs Foster et Cameron furent tués et inhumés au cimetière d'Ecorcei,
trois
aviateurs grièvement brûlés se rendront
aux allemands après s'être réfugiés au château des Graviers.
Deux autres, Scott et Trusty, réussissent à s'échapper vers le village
des Genettes puis vers Moulin la Marche.
Concernant
un Halifax de la RAF du même Squadron, chargé également d'une mission
de parachutages, un témoin se souvient le 17 Août 1943, avoir vu un
avion pris dans les projecteurs de la Flak d'Aube Saint Esprit
"Celui-ci volait si bas que l'on apercevait les hommes à bord ".
L'avion toucha la ligne à haute tension, explosa puis s'écrasa sur la
commune d'Aube, prés du lieu dit "Les vallées ". Des
explosions s'en suivirent pendant plusieurs heures. L'appareil
transportait des munitions et des pigeons voyageurs destinés au maquis
dans le cadre d'une opération du réseau.
Le
pilote Norman Hayter de nationalité australienne et quatre aviateurs
anglais furent tués sur le coup. Les
deux survivants, les Sgt WS Davies et JA Hutchinson décédèrent de leurs
brûlures et seront
inhumés
au cimetière de Bernay.
En
1944 plusieurs bombes tombèrent à l'endroit du crash. Elles visaient
certainement la batterie allemande située à proximité.
Les
américains des
"Carpetbaggers" sont venus à la rescousse. Le 5
Avril 1944, un Liberator du 801
BG / 406 BS touché par la DCA de Berniéres le Patry (Calvados)
s'abattait au lieu dit "Les
Haieries" ou "Anfernel" (3 kilomètres au nord ouest de
Tinchebray). Ce bombardier de l'USAF
en mission SOE avait décollé de Harrington à 22 heures pour ravitailler
le maquis de Sainte Marguerite. Six membres d'équipage seront tués lors
du crash et inhumés à
Truttemer le grand.
Le
lieutenant Kalbfleisch rescapé témoigne "Nous volions à 300 mètres
d'altitude à la recherche des feux posés par le réseau de résistance
lorsqu'un obus a touché le compartiment du navigateur. A 150 mètres,
nous avons sauté et l'appareil s'est écrasé aussitôt après. Les
allemands nous ont tiré dessus pendant que nous descendions. Je n'ai pas
eu le temps de cacher mon parachute et je l'ai jeté dans une rivière
proche"
Le
sergent Porter autre rescapé est tombé à proximité des batteries de
DCA allemandes "J'ai passé une haie, je l'ai suivie en courant en
passant prés de plusieurs pièces de DCA à ma gauche et à ma droite…
évitant ainsi de justesse ceux en fait qui nous avaient abattus"
Le
11 Avril 1944 vers 23h15, un Halifax en mission de ravitaillement des maquis de la région
touché par la DCA, passait en
flammes au dessus du bourg de la petite Savetiére (Commune de Sainte
Gauburge) en éclairant les maisons d'une immense lueur. Ses moteurs
tournant à plein régime, il
s'écrasait à environ 200 mètres de la route de Paris. On retrouvera
dans les débris une grande quantité de produits pharmaceutiques, postes
radio, destinés au maquis. Les huit membres de l'équipage Anglais et
Canadiens sont enterrés à Saint Hilaire sur Rille prés de Aube (Orne).
Dans
la nuit du 9 au 10 Mai 1944
un short Stirling du 90 eme Squadron basé à Tudenham, Suffolk, est touché
par la batterie de Berniéres le Patry et s'écrase vers
23H45 à Saint Jean des Bois (Tinchebray).
Trois
hommes d'équipage sont cachés dans la forêt de Gers (Témoignage de
André Rougeyron) et ravitaillés par un cultivateur Henri Durand habitant
les Gériers. "Nous partons pour la forêt et après plusieurs appels
découvrons trois gaillards bizarrement accoutrés s'approchant
craintivement".
Il
s'agissait de Ph. Green, Royston John et de Charles Potten. "Par la
suite, j'apprends que le docteur Ledos a été arrêté, et je demande à
Bourgoin d' abriter mes pensionnaires à l'Ermitage".
Green
témoigne "C'était mon 31 eme vol et nous avions pour mission de lâcher
armes et approvisionnement sur un terrain situé dans le sud de la France.
Nous devions effectuer ce trajet en respectant un horaire rigoureux,
franchir la côte immédiatement après le crépuscule et au retour, être
hors de France avant l'aurore. Nous volions prés du sol sans avoir éveillé
exagérément les défenses allemandes. Nous avons été touchés par la
DCA (Il s agissait de la DCA de Berniéres le Patry ). Moteur tribord en
feu, moteur bâbord hors d'usage. Trop bas, nous ne pouvions sauter en
parachute. Il fallait donc s'écraser avec la machine... L'un après
l'autre, nous sommes sortis dans l'herbe longue et drue, une bonne terre
de France ferme et sûre" témoignera l’un des rescapés.
Témoignage
personnel:
Le
16 Juillet 1944, alors que
nous étions réfugiés à Bursard, nous apprenons qu'un bombardier venait
de s'écraser de nuit prés de Larré au lieu dit "La
Chouannerie".
C'était
un Halifax qui, dans le cadre d'une mission SOE, devait larguer ses
parachutes sur le terrain "Goudron" situé prés de Radon en
bordure de la forêt d'Ecouves. Mais les allemands avaient semble t il déplacé
les feux de balisage. L’avion trompé ne put éviter la Flak. Les
munitions stockées à bord explosèrent une grande partie de la nuit.
Nous
trouverons dans la forêt un poste émetteur certainement destiné au réseau
de résistance local.
Rappelons
quelques messages diffusés par la BBC parmi tant d’heures d’écoute
mais généralement vers 19 heures et destinés aux résistants de notre région.
Chaque français rempli d’espoir les écoutait avec attention
mais sans pouvoir deviner leur signification :
"ICI
LONDRES, LES FRANCAIS PARLENT AUX FRANCAIS"...
"Chaque
tiroir a sa clé"
"Noémie a
un bouquet de violettes"
"Elle a
cueilli de pleins paniers de fraises"
"Nous
aimons le civet"
Qui ne connaît
pas au moins quelques-uns de ces messages ? Derrière une phrase
amusante ou bizarre se cachait souvent une grave décision: la préparation
d’un atterrissage, la réception de matériels ou d’hommes parachutés,
ou même l’organisation d’opérations de guérilla...
Dans notre département
Edouard Paysant fut le chef de cette organisation dénommée le BOA et créée
par Londres…
"je suis fier de l’avoir connu" Sa
silhouette d’homme tranquille, présente aux abords du terrain de sport
des Ormeaux, ne pouvait me laisser soupçonner une telle responsabilité,
lourde de dangers, à la merci de trahisons inattendues ou de bavardages
imprudents. C’est en Aout 1943 lors de son départ précipité de notre
région que j’ai mesuré l’importance et l’efficacité de son œuvre.
Les
terrains sélectionnés et acceptés par Londres étaient soigneusement préparés
avant de demander une opération aérienne, qu’elle soit de parachutage
ou d’atterrissage. Il fallait d’abord rechercher l’endroit où elle
pourrait être effectuée avec le maximum de chances de réussite et la
plus grande sécurité possible pour les hommes du comité de réception.
Les normes exigées de ce que l’on appelait «le terrain»
variaient selon le genre d’opération auquel il était destiné ( voir
ci après ).
Extrait
de « Clandestinités » de Andre Mazeline.
« l’âme
du BOA fut Edouard Paysant (pseudo Dominique Tinchebray) de Sées à qui
Robert Aubin confia ce service en mars1943 »
E.
Paysant déploya une activité inlassable. il sacrifia tout à la cause
qu’il servait. Son dévouement, son audace, son allant, firent
l’admiration de ceux qui le connurent. Il
forçait l’estime et l’affection par ses qualités d’homme qui égalaient
ses vertus de chef.
Dans
le département, il prospecta et fit homologuer une vingtaine de terrains,
recruta leur chef et leurs équipes, organisa le service de liaison par
radio avec Londres par courrier avec Paris, dirigea les premières réceptions
d’armes et de matériel, assura le sauvetage et la protection
d’aviateurs alliés abattus, le camouflage des réfractaires. Toutes les
formes de résistance l’intéressaient, il ne s’accordait aucun
loisir, aucun répit. Sa Simca bien connue des initiés sillonnait en tous
sens le département.
C’est
à la suite du sauvetage particulièrement audacieux des rescapés d’une
forteresse volante de l’USAAF (Deux victimes, six évadés, deux
prisonniers) abattue aux environs de Belfonds à la Pilliére le 4 juillet
1943 (voir
les détails ici), qu’il fut
recherché par la gestapo avant de prendre différents postes de
responsabilité dans le nord et la Bretagne. Il disparut, Victime des géorgiens
de l’armée Vlassof.
La
recherche de terrains était confiée en principe aux responsables départementaux.
les emplacements possibles leur étaient signalés la plupart du temps par
les unités de résistance locales. Dans
la recherche de ces terrains Il était toujours
préférable de trouver une grande étendue. Les alentours devaient
être assez dégagés pour faciliter la recherche des containers ou
paquets parfois dispersés sur une grande distance, ce que ne favorisait
pas le choix d’une forêt attenante.
Pas d’arbustes trop hauts qui pourraient cacher les lumières du
balisage. Il
était souvent nécessaire que le terrain soit éloigné non seulement de
toute présence de miliciens, d’allemands susceptibles d’intervenir
rapidement mais plus généralement de toute habitation, à moins que les
habitants soient bien connus comme sympathisants et qu’il n’exista
aucun risque de dénonciation ou de bavardage.
Largage
de conteneur
Recherche
du terrain par l’avion lanceur de containers
Un
bombardier quadrimoteur occupé à larguer des containers et qui rôde au
dessus de la campagne pour rechercher le terrain désigné après un échange
de messages codés repasse
souvent plusieurs fois au même endroit. Ailerons
baissés, à la limite de la vitesse minimale de sustentation, l’avion
descend à 150 mètres pour lâcher ses parachutes. L’équipage du
bombardier, concentré dans sa tâche périlleuse et dont le regard scrute
le sol avec une grande attention, remet ses moteurs à plein régime pour
reprendre de l’altitude souvent au dernier moment. Ce
type d’opération fait beaucoup de bruit dans le silence de la nuit et
dans une campagne endormie, obstruée par les nuages, la brume ou la
pluie. Cette opération constitue
en fait une cible de choix du point de vue de la chasse allemande, malgré
la présence de la pleine lune. Il
y eut bien sûr des échecs… erreur de navigation, incident mécanique,
absence du réseau de résistance pour des raisons indépendantes de leur
volonté, terrain invisible, la météo...
Trop
bas les colis risquaient de s’abimer au contact du sol. Trop haut,
disperses par le vent et quelquefois hors de portée des résistants, les
colis étaient alors ramassés par les allemands ou des mains étrangères.
Les
terrains : Aurore, Godet
lapin, Eclair Goudron, Orage et d’autres encore
environnant notre ville seront le théâtre de parachutages très
risqués,de containers recueillis
par des hommes défiant tous les dangers.On
peut malheureusement citer plusieurs parachutages qui se sont très mal
terminés dans notre région, au Merlerault par exemple, où
plusieurs membres du comité de réception furent arrêtes et déportés,
victimes de dénonciations.
Feux
de balisage vus du ciel... par
beau temps.
Deux
agents secrets en mission, parachutés au haras des Rouges Terres avec un
lot important de containers, purent transmettre
leurs messages d’un refuge provisoire chez M. Cercueil, rue saint martin
à Sées. Rapidement détectés par les camions gonio allemands, camions
mobiles spécialement équipés pour la détection des émetteurs
clandestins, les deux agents
secrets purent s’esquiver dans la campagne environnante dissimulés sous
des bottes de paille.
"Ce fut
une guerre de la nuit faite d’organisation persévérante et de travail
ingrat, de résolution méthodique et de mauvaises surprises, de complicités
multiples et d’ingéniosité
constante, de coups de chances et d’avatars imprévus, d’héroïsme et
de trahison, de succès et de défaillances jusqu’à ce que, prés bien
des sacrifices, sonne enfin l’heure de la libération"
François
Bédarida (institut d’histoire du temps présent)
Nous pressentons que le grand événement tant attendu se prépare.
Tout
commence par une belle soirée de ce printemps 1944, Le 22 mai vers 23
heures, un bruit de sirène lugubre et prolongé perce la nuit.
Touché
par la Flak locale camouflée à proximité du pont de la Madeleine
enjambant la voie ferrée Alençon-Sées,
l’avion, un bombardier lanceur de tracts s’embrase comme une torche
des les premières salves d’une DCA dissimulée prés de la voie ferrée.
L’avion en perdition, rase les toits de l’immeuble Marigny, et dans un
dernier élan semble vouloir éviter les lourds clochers de la cathédrale
qui se dressent face à notre maison.
La cathédrale de
Sées
Moment
d’intense émotion que je ne
suis pas prêt d’oublier …
Enorme
explosion, le bombardier s’écrase
au lieu dit la Potence à proximité d’une
ferme du Buhot prés des massifs
d’aubépine qui bordent un herbage.
A
bord six hommes d’équipage que la brigade de gendarmerie ne pourra
identifier. La
découverte au cimetière communal en 1998, cinquante quatre années
après la date de ce crash, d’une fosse commune oubliée et d’un vieux
registre mit en évidence cette date du 22 mai qui s’avérait
indispensable avant d’entreprendre des recherches auprès du Ministère
de la défense britannique. Cette même nuit plus de cinquante avions alliés
avaient été abattus dans la région et une date précise m’était
alors demandée pour orienter les recherches avec précision. Je
m’étonnais jusqu’alors que les moyens techniques modernes de
communications n’avaient pu
permettre après la libération, l’identification
de l’équipage de cet avion.
Une
bague et la photo d’un
aviateur inconnu rapportées par deux habitants au journal L’orne hebdo,
permettront ensuite de retrouver les familles dispersées dans les états
lointains de l’Ontario, du Québec et de la Colombie britannique avec
l’aide efficace de Madame Shirley Stone.
En
fait de longues et patientes recherches couronnées de succès…mais
teintées de regrets si l’on considère le temps écoulé depuis cette
disparition de six hommes portés disparus dans un lieu ignoré et dans
des circonstances totalement mystérieuses.
Cet
avion inconnu appartenait à une escadrille de six bombardiers canadiens
ayant pour objectif désigné le
lancement de tracts sur les régions de Laval, le Mans et Alençon. Et
tenant à avertir les populations de ne pas rester à proximité des
points stratégiques, ponts, viaduc, gares, voies ferrées…
Collage Mme Shirley Stone
Une
émouvante cérémonie réunit en mai 2004 dans notre ville, les membres
des familles venus sur les lieux du crash et ensuite honorer la mémoire
de leurs chers disparus.
(Vous
trouverez ici l’histoire détaillée de ce crash)
Rappelons
succinctement la suite des événements …
Le 1er juin 1944,
les brouillages n’arrivent pas à couvrir l’indicatif sonore emprunté
à la 5e symphonie de Beethoven, et qui signifient en code Morse
"V", comme victoire. Générique resté
célèbre dans la mémoire collective française. On compta près de 200
messages ce jour là …
Et
enfin le message tant attendu
par la résistance, le poème de Verlaine «les sanglots longs des
violons blessent mon cœur d’une langueur monotone... ».
Dans
la nuit du 5 au 6 juin plus de mille attaques de sabotage seront commises
en Normandie, précédant l’arrivée de la flotte de la libération.
Roger
Cornevin-Hayton, ex
sagien.
Merci
de demander l'autorisation de l'auteur pour une publication partielle
ou complète de ce récit
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