|  
                      
                Le Dimanche 30 Avril 1944 à l'aube, les P51B ''Mustang''
                du 380e Squadron,  343e
                Fighter Group de la
                
                 9th US Air Force décollent de
                leur base de Staplehurst, près de Maidstone (Kent). Ils doivent ce jour-là accomplir une mission d'escorte
                d'un ''Box'' de bombardiers B24 partis bombarder une gare de
                triage près de Lyon. L'un de ces jeunes pilotes ne savait pas
                que cette mission allait être pour lui, non seulement la plus
                longue et la plus périlleuse de sa carrière, mais aussi la
                dernière de cette campagne. Cette mission allait devenir son
                histoire, une histoire qui allait bouleverser sa vie et faire
                intervenir des dizaines d'humbles Normands qui l'ont aidé sans
                hésiter, mesurant les risques qu'ils encouraient.
                
                
                
                 Cette histoire est celle du Sous-lieutenant Charles
                Lee MOORE .
                
                
                
                  
                        
                Voler avait toujours été la passion de Charlie. Son
                enfance fut toute entière marquée par cette passion. Charlie
                ne s'est pas contenté de construire des maquettes d'avion, il
                a travaillé après ses heures de classe sur un aérodrome
                voisin et été rétribué en heures de vol. Il a décroché son
                premier vol sur un biplan WACO à 13 ans. A sa sortie du lycée, comme il ne pouvait devenir pilote de chasse
                à cause des 2 années
                d'études après le baccalauréat requises par l' Air Force, il
                s'engagea dans l'Army Air Corps où il fut assigné, comme opérateur-radio,
                à une unité qui convoyait vers l'Angleterre les B24 ''Liberator
                30'' livrés au titre de la Loi Prêt-Bail. L'Air Force manquant de pilotes, le niveau requis fut
                abaissé à l'équivalent du Baccalauréat. Charlie put entrer
                à l 'École des Cadets de l'Air avec l'ambition de devenir,
                non seulement un pilote de chasse accompli, mais tout simplement
                le meilleur de l'Air Force. Grâce à ses indéniables qualités
                de pilote (né pour voler, aux dires de ses instructeurs tant
                civils que militaires), il fut immédiatement admis. Il obtint
                sa qualification de pilote de monomoteur en Août 1943. L'un de
                ses instructeurs lui glissa à l'oreille lorsqu'il reçut ses
                ailes que ''s'il ne se tuait pas en commettant les plus grandes
                imprudences, il possédait toutes les qualités requises pour
                devenir l'un des 'grands as' de cette guerre'' .
                  Le Second
                Lieutnant Charles L. MOORE débarqua en Écosse par bateau en Décembre 1943. Il fut immédiatement affecté
                pour quelques semaines à une base d'entraînement à Grimsby
                (Angleterre). Ici, il vola peu, mais reçut une instruction
                théorique sur l'identification des appareils, les us et
                coutumes européens, la Grande-Bretagne, la France, ainsi que de nombreux briefings de l'Intelligence Officer sur les ''Procédures d'évasion''. Il ne s'agissait pas de
                couvrir tous les aspects d'une possible évasion, ce qui aurait
                été impossible, mais d'apprendre aux pilotes à réagir de façon
                circonspecte s'ils venaient à devoir s'éjecter en territoire
                hostile.
                
                
                
                 Fin Février 1944, il fut affecté au 343e Fighter Group, 380e
                Squadron. Le pilote de monomoteur était devenu pilote
                de chasse opérationnel, et, plus que jamais, conservait en mémoire
                les paroles de ses instructeurs car, à peine arrivé au
                Squadron ''je me suis mis à exécuter des manœuvres qu'aucun
                pilote chevronné et réfléchi n'aurait jamais exécutées''
                Son pilotage jugé par trop téméraire ne tarde pas à lui
                valoir trente jours de maintien au sol.
                
                
                
                  Cloué
                au sol durant cette période, il fut chargé de la
                ''logistique'' du Mess des officiers. C'est donc lui qui attribuait
                à ses camarades les rations d'oranges, d'œufs, mais
                surtout de Johnny Walker. Charlie se souvient de cette période
                comme d'un travail des plus agréables de sa carrière dans l'US
                Air Force. Il est certes frustrant pour un pilote d'être
                interdit de vol, mais ce travail était
                une
                bonne consolation, à une époque où oranges, oeufs et whisky
                étaient loin d'être au menu journalier.                                             
                         Puis Charlie effectua ses premières missions de guerre,
                des missions de ''Dive-Bombing'' (bombardement en piqué
                d'objectifs stratégiques) vers l'Allemagne. Charlie eut
                l'occasion de redouter la densité de la Flak, mais ne
                rencontra aucun chasseur ennemi durant ses 5 premières missions. Trois autres missions furent rappelées
                à cause du mauvais
                temps. Au cours de l'une d'elles, 11 Mustang sur 48 ne rentrèrent
                pas à Staplehurst, probablement à cause du gel des gouvernes et
                des bords d'attaque qui rendait les appareils incontrôlables .
                
                
                
                 Enfin, en ce 30 Avril 1944, la neuvième mission pour
                Charlie fut
                l'escorte d'un Box de B24 sur Lyon. Chasseurs et bombardiers se
                retrouvèrent à 9h44, à 18000 pieds à la verticale de Sancerre.
                La mission de bombardement sur cet important nœud ferroviaire
                obtint pour les observateurs qu'étaient les chasseurs d'escorte
                ''d'excellent
                résultats''   et
                les appareils prirent le chemin du retour. Toutefois, ils
                furent rapidement interceptés par les chasseurs de la 5/JG2
                "Richtoffen"
                basés à Creil et qui s'étaient portés à leur rencontre. Une
                dizaine de Messerschmitt Bf 109 attaquèrent de front les
                bombardiers au-dessus de Montargis.
                
                
                
                 Tout se passa alors très vite. Le 380 Squadron
                flanquait les bombardiers sur leur droite, légèrement en
                hauteur, en parfaite position d'intervention, mais ses pilotes
                ne remarquèrent les chasseurs allemands que lorsqu' ils ouvrirent
                le feu, aux flammes des départs. Après leur passe, les Bf 109 effectuèrent un renversement pour se remettre en position
                d'attaque.
                
                
                
                  
                Donnons la parole à Charlie :
                
                
                
                 ''De mémoire, nous avons tous été surpris
                par ces
                lueurs de départs qui venaient d'on ne sait où. J'ai choisi un
                avion au centre de la formation et le suivis au sol. Le
                pilote allemand n'était pas un novice et faisait littéralement
                corps avec sa machine. Il savait que j'étais derrière lui
                avant même que j'aie tiré. Après mon tir, il s'est mis
                à virer d'une aile sur l'autre, effectuant
                des manœuvres inversées en espérant, je pense, que je
                ferais de même et m'écraserais.
                Quand il eut compris que je n'entrais pas dans son jeu,
                il fit une manœuvre qui me stupéfia: Réduisant sa vitesse,
                il sortit en même temps les volets et le train d'atterrissage,
                espérant que je le dépasse et que de chasseur, je devienne la
                proie. Sa manœuvre aurait pût réussir, mais, Dieu merci,
                j'étais suffisamment loin derrière lui pour empêcher sa
                tactique de fonctionner. En effet, dès que je vis de la fumée
                sortir de ses échappements, j'avais compris qu'il allait
                tenter de me faire passer devant, et j'ai manœuvré pour
                rester derrière lui en volant d'un bord sur l'autre. Je crois
                que, dans ce  jeu
                du chat et de la souris, c'est ce qui m'a sauvé la vie. Quand
                le pilote allemand a réalisé que je ne le dépasserais pas, il accéléra brusquement, rentra
                les flaps et le train, mais une seule jambe remonta.
                Apparemment, la jambe gauche  avait
                été endommagée lorsqu'il
                avait été descendu à relativement grande vitesse ou bien une
                de mes balles avait endommagé les circuits. Le jeu du chat et
                de la souris venait de connaître son épilogue: le pilote
                allemand
                effectua
                alors un virage à gauche et s'éjecta à un millier de pieds
                d'altitude.
                Je l'ai suivi dans sa chute et pris des photos avec ma
                camera d'aile. Le pilote allemand, sous son parachute, a fait
                quelque chose dont je me souviendrai toute ma vie, un geste de
                grande sportivité et d'honneur: Il s'est tourné vers moi, a
                agité les bras et m'a fait le salut militaire. J'ai donc pris
                la direction de l'Angleterre en rasant les arbres, en essayant
                d'économiser le carburant qui me restait, car la route du
                retour était longue''.
                
                
                
                 La
                5/JG2 perdit 4 appareils dans cet engagement, 2 Fw
                190 et 2 Bf 109. Seuls les pilotes de ces deux derniers
                parvinrent à s'éjecter aux environs de Montargis: Le
                Lieutenant Lackner
                commandant la 5/JG2 et son ailier, le sous-officier Kolmanisch, tous deux récipiendaires
                de la Croix de Fer. Le Lieutenant Lackner, de retour dans son unité , confia
                à ses camarades (témoignage
                du Lieutenant Müngersdorff
                recueilli par l'auteur en 1999, qui confirme l'épisode du
                salut)  le
                soulagement qu'il avait éprouvé après avoir vu l'avion qui
                venait de l'abattre se diriger vers lui sans lui faire subir le
                même sort. Lackner
                fut tué en combat aérien près de Beauvais le 18 Mai 1944. Le
                second Bf 109, celui de Kolmanisch, fut attribué au 2d Lieutnant McEchron, l'équipier de Charlie.
                
                
                
                 Le dogfight avait éloigné le Mustang de sa formation.
                Désormais il devait rentrer seul. Vers 11h30, après une
                demi-heure de vol, alors que notre pilote croyait s'approcher
                du Cotentin, un
                petit groupe d'avions, peut-être des chasseurs, attira son
                attention vers l'ouest. Ils volaient dans la même direction,
                mais à une altitude bien supérieure. Préoccupé par ces
                avions qu'il essayait de ne pas perdre de vue, Charlie,
                regardant à nouveau devant lui, se vit soudain très proche
                d'une ligne à haute tension vers laquelle il se dirigeait...
                
                
                
                 ''Si
                j'avais repris un peu d'altitude aussitôt après avoir aperçu
                ces pylônes et ces câbles, il n'y aurait pas eu de suite à cette
                mission, mais, les avions occupant toute mon attention, ,j'ai
                attendu une ou deux secondes de trop. Il était maintenant trop
                tard pour les éviter. J'ai dû prendre une décision en un éclair: passer SUR ou SOUS ces câbles''.
                
                
                
                 Dans un réflexe qui lui sauva peut être la vie,
                Charlie choisit de passer sous la ligne. Mais, lors de sa
                ressource, il ne put éviter que la prise d'air ventrale du
                radiateur ne heurte la cime d'un arbre.
                Radiateur endommagé par les branches (lors de la fouille
                de l'épave, nous avons retrouvé le radiateur qui conservait
                un morceau de la branche qui l'avait crevé), le PACKARD 'MERLIN'
                ne tarda pas à monter en température de façon inquiétante. A
                mesure que l'aiguille dépassait la limite, une fumée blanche, accompagnée des relents de la surchauffe, commença
                à envahir l'habitacle. L'avion continuait son chemin, car le
                moteur conservait toute sa puissance, mais la fumée s'épaississait
                rapidement, au point de ne plus voir les instruments du tableau
                de bord. Comprenant que le Mustang prenait feu et ne rentrerait
                pas en Angleterre, Charlie, désespéré, monta à mille pieds, renversa le Mustang et s'éjecta.
                
                
                
                 Au tableau de service de Staplehurst, le Second Leutnant
                C.L MOORE fut ''reported missing in action'' .
                
                
                
                 Il était aux environs de midi
                à ECOUCHE (Orne), heure
                de la sortie de la messe. Nombreux étaient les Ecubéns et les
                habitants des environs massés sur le parvis de l'église et qui
                se souviennent. Marie-louise 
                Cavallo-Chambelland, historienne d'Écouché, raconte :
                  ''
                Nous avons entendu la DCA et tous gardé le souvenir de cet
                avion désemparé qui nous survolait si bas, suivi d'un immense
                panache de fumée blanche, nous avons aussi entendu le bruit énorme
                de chute de l'avion. Nous nous sommes précipités vers le pont
                de l'Orne tout proche et avons vu le parachute s'ouvrir avec
                soulagement. Mais l'effervescence de la garnison allemande, les départs de véhicules
                chargés d'hommes qui nous frôlaient sur le pont en se mettant
                en chasse nous ont fait avoir une pensée émue pour l'infortuné
                pilote et avons tous souhaité, sans grand espoir, qu'il
                puisse leur échapper. Nous vîmes l'avion s'écraser vers
                l'Ouest''. L'avion
                s'écrasa à BATILLY, au lieudit ''Les Canards''.
                
                
                
                 Pendant sa descente, Charlie put lui aussi voir son
                avion s'écraser. Anticipant sa réception
                il
                tentait de se rappeler les briefings de l'Intelligence Officer
                sur les procédures d'évasion. En fait, ses connaissances se
                limitaient au fait qu'à Abbeville était basé un group de
                chasse que les pilotes américains appelaient les "Abbeville
                Guys", qu'ils respectaient et redoutaient. Rien sur la 
                France, la
                Normandie et leurs habitants. Charlie réalisait qu'il venait
                de sauter dans l'inconnu.
                 Atterrissant
                près de la rive droite de l'Orne, Charlie, à peine remis de ses émotions, est rejoint par les frères Jacques
                et  Michel Roger, en
                partie de pêche en aval du "Moulin de Serans". Jacques Roger entraîne notre Américain en amont des berges,
                recherchant un passage pour franchir l'Orne, pendant que Michel fait diversion et entraîne les Allemands vers l'aval. Il
                faut quitter les lieux au plus vite car les recherches
                s'intensifient et les patrouilles les serrent de près.
                 Sur l'autre rive, Bernard Peschet et son fils Francis, qui ont vu l'avion s'écraser
                à quelques centaines de mètres
                de leur ferme de "la Misaudiere" à SEVRAI et vu descendre le
                parachute, s'approchent de la rivière qu'ils connaissent bien
                car elle longe les prés de la ferme, à quelque 500 mètres de
                là. Ils aperçoivent Jacques
                et Charlie et leur
                indiquent un gué que ceux-ci peuvent franchir. Il était temps, les
                Allemands n'étant qu'à une centaine de mètres.
                Chose
                incroyable, les Allemands cantonnent leurs recherches à la rive
                droite de l'Orne et au point de chute de l'avion. Le hameau de
                'la Misaudiere' n'est pas inquiété.
                
                
                
                  
                Bernard et Francis Peschet amènent Jacques Roger et
                Charlie à la ferme, lui donnent des vêtements civils. Francis
                enterre le blouson de pilote qui lui fait pourtant une envie
                folle, ainsi que le pistolet.45 de Charlie. Mais Charlie ne peut s'arrêter. Les recherches
                allemandes s'intensifient. En cette fin d'Avril, la 77e
                Infanterie Division (LXXIV Korps) a son P.C à PUTANGES, à 8 kilomètres
                et les cantonnements couvrent tout le secteur. Les Allemands, qui ont tiré sur ce chasseur en difficulté et bien
                vu toute la scène lancent leurs patrouilles pour retrouver le
                pilote. Comme déjà indiqué, leurs recherches se
                cantonneront à la rive droite de l'Orne. Ils ne connaissaient
                pas le gué du Moulin et sont peut être persuadés que le
                pilote n'a pu franchir la rivière. 
                
                
                
                 Il faut alors confier au plus vite le pilote
                à la Résistance
                et aux filières d'évasion. Jacques Roger et Félix
                Terrier, tous deux membres du réseau du B.O.A dirigé par
                Monsieur Verrier de
                RANES, décident d'amener Charlie chez celui-ci. Mais il faut
                d'abord le prévenir et, pour l'heure, Charlie doit quitter
                les lieux au plus tôt. Bernard Peschet donne son vélo à Charlie et Félix Terrier l'amènera chez deux femmes de SAINT
                BRICE SOUS RANES ou il séjournera deux
                jours (Il ne nous a pas été possible de retrouver ces
                dames). Quittant la Misaudiere, ils rencontrent une carriole
                revenant d'Écouché. 
                
                
                
                  Dans la carriole, la petite Lucienne
                Peschet (Mme Chombart) ne se souvient plus du gaillard qui pédalait, mais n'a pas oublié qu'il montait la belle bicyclette de son
                père !! . Charlie passa ensuite quelques jours caché chez
                Monsieur et Madame Pottier.
                
                 Début Mai,
                Charlie est transféré chez Verrier à RANES. Le magasin de confection est rapidement transformé pour
                servir de cache à notre aviateur, mais il ne possède aucune
                issue de secours en cas de perquisition. Mr Verrier veut éviter
                les risques inutiles. Il se sait soupçonné et Charlie est
                convoyé chez Guillouard
                à SAINT MARTIN L'AIGUILLON où il restera une semaine. Il rejoint
                là Monsieur Bachelier, membre lui aussi du B.O.A et recherché par la Gestapo. Mais
                Charlie ne peut rester là longtemps. Il faut lui trouver un
                autre asile.
                
                
                
                 Thérèse Bourguignon, employée chez Verrier suggère alors d'abriter Charlie
                à la ferme familiale, lieudit "Les Chasnières", commune de
                MARCEI. Madame veuve Eugénie
                Bourguignon, qui a élevé seule sa famille, avec
                l'accord de ses autres enfants Pierre, Alfred, Roger, Suzanne
                et
                Gaston accepte d'héberger Charlie, qui est transféré à MARCEI
                dans une Traction conduite par Madame Bachelier, de JOUE-DU-PLAIN. Une autre voiture, conduite par Jules Christophe, lui aussi de JOUE DU PLAIN les précède pour éviter les
                patrouilles. Il semble que la voiture ait subi un
                contrôle allemand, mais que la sentinelle n'ait vérifié que
                les papiers du véhicule et de la conductrice.
                
                
                
                 Le surlendemain du transfert, la sinistre
                "bande à Jardin",
                les agents français de la Gestapo pour l'Orne effectua une
                perquisition ''vigoureuse'' 'au magasin Verrier. Fort
                heureusement, elle fut infructueuse. Jardin et sa bande arrêtèrent
                Jacques et Michel Roger qui furent déportés à NEUENGAMME.
                Seul Michel revint.
                
                
                
                  
                Charlie MOORE était arrivé à MARCEI le 21 Mai. Là bas
                se cachait déjà Alfred Bourguignon, le deuxième fils de la
                famille, qui était requis au STO au titre de l'année 1943
                mais qui, pas désireux du tout d'aller en Allemagne, avait eu
                l'idée géniale de faire emmener par un camarade requis lui
                aussi une lettre pour sa mère qui serait postée à LUDENSCHEID
                et qui ''attesterait'' sa présence là-bas !! Le stratagème
                avait marché, mais Alfred était contraint de se cacher,
                comme tous les réfractaires. La lettre servit bien lorsque les
                gendarmes français vinrent
                trouver Eugénie Bourguignon et demandèrent pourquoi Alfred
                n'apparaissait pas sur leurs listes. La lettre les convainquit
                que le fils de la maison se trouvait bien en Allemagne !!!.
                
                
                
                 Alfred se cacha et travailla dans différentes fermes.
                Il revint aux Chasnieres pour se cacher avec Charlie dans une
                meule de fagots dans laquelle une cavité avait été aménagée
                par Pierre aidé de ses frères. Charlie se souvient:''Notre
                cache était étroite et basse. Il y régnait une chaleur épouvantable
                et il n'y avait aucune aération, et je porte encore a la tête
                les cicatrices laissées par les branches des fagots''. 
                
                
                
                 La
                guerre avait fait de Charlie et Alfred des fugitifs,
                et les deux garçons, sensiblement du même age, devinrent de
                grands amis. Ce fut aussi le cas pour tous les enfants de la
                maisonnée.
                
                
                
                 La vies suivit son cours
                à la ferme. Il y eut le Débarquement
                et les grands mouvements de troupes. Les combats se firent plus
                pressants à mesure que s'approchait la fin de la Bataille de
                Normandie et la Libération. De temps à autre, des Allemands
                venaient à la ferme quêter
                de la nourriture, que l'on s'empressait de leur donner pour
                qu'ils déguerpissent. Charlie se cachait alors n'importe où,
                par exemple dans un coffre à grains. Il était tour à tour garçon
                de ferme ou braconnier. Un jour qu'il revenait du bois voisin,
                il vit venir vers lui deux Allemands. Il ne perdit pas son
                sang-froid et leur dit un ''bonjour'' auquel ils répondirent de
                même. Peut-être le seul mot français que tous les trois
                connaissaient !!..
                 Une autre fois, deux
                Allemands arrivèrent, sans que
                les chiens aient aboyé. Charlie finissait son repas à la table
                de la cuisine. Les Allemands ne prêtèrent aucune attention à ce commis qui les ignorait et s'entretinrent avec Eugénie des
                provisions qu'ils demandaient. Charlie fit mine d'avoir
                terminé son repas, se leva et sortit sans un mot !! Il ne
                reprit son souffle que lorsqu'il se fut bien éloigné.
                
                
                
                 Charlie suivait d'un oeil expert, très amer en lui-même, les nombreux combats aériens qui se déroulaient au-dessus de
                la plaine d'Argentan. Il souffrit durement le jour où il vit
                deux P38 se faire descendre presque en même temps, sans que
                les pilotes puissent s'éjecter. Mais les quatre avions
                allemands qui les avaient abattus le furent à leur tour par les
                Mustang, peut être ceux du groupe de Charlie.
                
                
                
                 MARCEI fut libérée le 12
                Août 1944 par les chars de la 
                5th Armoured Division et la 90th
                Infantry Division de la 3rd Army. Ce furent les
                sergents WALKER et GEMLER de la 90th ID qui vinrent
                le chercher à la ferme. De l'avis général, ''Il était temps
                que ça finisse car cela se savait maintenant un peu trop''.
                
                
                
                 Après avoir ainsi été libéré, Charlie fut renvoyé
                en Angleterre où il resta deux semaines. Auparavant, il revint
                faire ses adieux aux Chasnieres, apportant à la famille
                Bourguignon tout un tas de victuailles, cigarettes, etc. , dont
                ils avaient perdu le goût 
                depuis longtemps. Il fut ensuite renvoyé aux États Unis,
                où, en permission, il fut victime d'un grave accident de
                voiture qui le tint longtemps à l'hôpital. A sa sortie, il reprit du service dans l'Air
                Force et fut envoyé dans le théâtre 
                d'opérations
                du Pacifique. Passé sur P47 THUNDERBOLT, il participa entre autres
                à la bataille d'Okinawa en Juillet
                1945.
                  
                  
                    
                      |  |  
                    | Charlie
                      (à droite) en 1999 avec Francis Peschet devant la porte
                      de la maisonnette ou il s'était déshabillé pour revêtir
                      des vêtements civils fournis par la famille Peschet . |  Charlie
                a quitté l'Air Force avec le grade de Commandant.
                Âgé maintenant de près de 84 ans, il n'a rien perdu de la fougue de ses vingt ans et reste le
                personnage attachant que tous ont tant apprécié. Il est
                revenu à différentes reprises en Normandie et a pût retrouver
                beaucoup des gens qui l'ont aidé, particulièrement toute la
                famille Bourguignon (sauf Gaston, décédé en 1946). Son périple
                fut refait avec l'émotion que l'on devine. Nous avons pu lui
                montrer l'endroit ou son avion s'était écrasé, Francis Peschet l'a ramené au Gué du Moulin,
                à la ferme de la
                Misaudiere, au bâtiment ou il s'était déshabillé. J'ai pu
                lui faire voir les
                éléments de son avion, déterrés en 1996, retrouvés dans
                un remarquable état de conservation. Le moteur PACKARD, monté
                sur un socle de présentation par Serge Roger, frère cadet de Jacques et Michel est maintenant une pièce importante d'un projet de
                musée des combats aériens de la bataille de Normandie, avec
                le fameux radiateur, toujours affublé du morceau de branche
                qui a tout provoqué.
                Charlie a eu une réaction assez douloureuse pour lui en
                revoyant les pièces de son avion. Cela lui a rappelé son
                histoire et le souvenir amer d'un rêve brisé. Ses émotions
                douloureuses ne tiennent pas tant à son séjour inattendu et
                prolongé en Normandie, mais surtout à ce qu'il considère
                avoir été une terrible erreur de jugement que d'être passé sous
                la ligne et non pas au-dessus.
                Charlie, plus de soixante ans après, ne peut s'empêcher
                de penser qu'il a ce jour-là gâché sa vie en étant cloué à
                terre alors que son pays aurait eu besoin de lui aux commandes
                de son Mustang. Il est aussi conscient des risques énormes
                qu'ont volontairement encourus tous ceux qui l'ont aidé. Il
                les considère tous comme les membres de sa famille.
                Beaucoup ont pu lui rendre visite à Las Vegas (Nevada) ou
                il réside. Je l'y ai rencontré en 1996, 1998 et 2001. Il m'a raconté toute son histoire, que j'ai complétée sur
                place et relate ici. Nous nous téléphonons souvent et je
                compte aller le revoir bientôt.
                 Robert Chombart
                 Réécrit et complété 
                
                
                
                 Aubry-en-Exmes
                
                
                
                 Janvier
                2005
                 
                  
                    
                      |  |  |  
                      | Le
                        moteur V12 Packard "Merlin" du P51 de Charles
                        Lee Moore. le compresseur (à droite de l'image) est
                        toujours place.  | Le
                        radiateur du "Mustang". La branche qui avait
                        endommagé le radiateur était encore présente lors de
                        la découverte de l'épave. |  Retour
                en haut de la page |