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LE BLOCH 152

Le 16 Juin 1997, nous avons été contactés par le Service de Déminage pour aller effectuer une identification sur une carcasse d'avion retrouvée par hasard lors du terrassement des fondations d'une future usine. Nous sommes intervenus immédiatement. Tous les morceaux de l'avion avaient été sortis d'un trou de 4 mètres de profondeur par l'entreprise de terrassement. 
Un agriculteur du village a été demandé amicalement par la Gendarmerie locale pour effectuer le travail d'enlèvement et de chargement, avec son tracteur à fourche, dans notre semi-remorque. Sous une pluie torrentielle et dans un labour particulièrement gras, nous avons effectué 4 voyages d'environ 1 km chacun pour amener au camion toutes les pièces de la carcasse.

 

L'enlèvement s'est fait tout à fait officiellement en présence du Colonel du Groupement de Gendarmerie de Seine-Maritime, des gendarmes et officiers de la Brigade locale, du Conseiller Général et Maire de la Commune. Les procédures légales ont été respectées. Un procès-verbal de prise en charge de l'épave par l'.A.N.S.A a été signé en gendarmerie après le départ du camion chargé.

L'identification

Nous sommes certains que cet avion a été abattu le 7 Juin 1940 vers 17h40. Un violent combat aérien entre 9 Bloch 152 du GC II/10, basés à Bernay St Martin et des Messerschmitt 109 s'est produit aux environs de Neufchâtel en Bray. Ces avions français allaient effectuer une mission d'attaque au sol sur les troupes allemandes vers Amiens lorsqu'ils ont été pris à partie par 27 Me 109 ayant l'avantage de l'altitude et du soleil. Les Bloch 152 ont descendu trois Me 109 avant que trois des leurs ne succombent sous le nombre des assaillants.

Cet avion est l'un d'eux. Il s'est posé sur le ventre, moteur bloqué. De toutes les façons, l'empennage que nous avons récupéré compte à lui seul au moins une dizaine de perforations traversantes (de 7,62 mm et de 13 mm ) lâchées lors d'une même rafale, de gauche à droite et du haut vers le bas sous un angle d'environ 30 °.

Ces Bloch 152 du GC II/10 étaient aux mains de pilotes polonais ayant été intégrés très récemment dans l'Armée de l'Air Française. Nous avons un doute quant au nom du pilote qui était aux commandes. Pourquoi ? : deux Bloch 152 ont été abattus au même moment dans le même périmètre.

Il peut s'agir, soit du Sous-lieutenant PONIATOWSKI, soit du Commandant WYRWICKI qui étaient tout les deux des "transfuges" de l'Armée de l'Air Polonaise

Le S/L PONIATOWSKI a pris une balle dans la tête. Après son atterrissage en catastrophe, il est mort de cette blessure durant son transfert à l'hôpital de Neufchâtel en Bray. Il est enterré dans un cimetière polonais à Auberive près de Reims.
Le Commandant WYRWICKI est également mort suite à ce combat, les conditions ne nous sont pas vraiment connues.
Des spécialistes chevronnés de l'histoire aérienne française durant la période de Mai/Juin 1940 nous ont contactés lorsqu'ils ont appris notre découverte (les nouvelles vont vites dans ce cas!) .
Après recherches et recoupements, ils pencheraient plutôt vers une solution WYRWICKI, mais seul l'examen détaillé en cours des restes de l'appareil nous apportera la réponse .....

C'est une trouvaille unique !

Au tout début de la guerre, quelques uns de ces avions ont été vendus à la Roumanie et à la Grèce, personne ne sait ce qu'ils sont devenus et le rôle qu'ils ont pu jouer dans les combats aériens au dessus de chez eux.

D'après nos archives techniques, seulement 166 exemplaires du Bloch 152 ont volé au sein de l'Armée de l'Air Française.

Un nombre d'environ 400 ont été construits mais n'ont pu servir faute d'une mise au point complète et par manque d'un certain nombre de pièces essentielles : canons et hélices qui n'arrivaient qu'au compte-goutte à l'usine d'assemblage par exemple !

Bref, à son époque, un Bloch 152 en vol était déjà une rareté !

A notre connaissance, pas un n'a survécu jusqu'à nos jours.

Ceux qui n'ont pas fuit vers l'Algérie, lors de la signature de l'Armistice, ont été, soit démontés pour refonte ou récupérés par les Occupants et utilisés dans la Luftwaffe comme avion d'entraînement avancé pour ses futurs pilotes de chasse. D'autres ont été donnés pour équiper les aviations pléthoriques ou déficientes de quelques pays amis du régime nazi, tel, à nouveau, le régime roumain. Bref, à la fin de la guerre, il n'en restait guère que les quelques exemplaires ayant passé la Méditerranée ou étant en Outremer. Ils reprirent un peu de service en 1945 et 46 dans l'Armée de l'Air Française renaissante, puis, faute de pièces et devenus trop obsolètes, les rares survivants furent, comme à l'habitude en France, ferraillés sans remords et sans penser à en conserver le moindre exemplaire, d'ou l'importance de notre trouvaille 57 ans après !

Pourquoi cette pièce unique a t'elle survécu jusqu'à nous?

Voici notre hypothèse la plus logique, après l'avis de personnes ayant vécu la guerre dans ce village :

La carcasse est restée telle que pendant 2 bonnes années sans être ferraillée par les services de récupération d'épaves mis en place par les allemands. C'est étonnant au vu de leur efficacité habituelle. Courant 1943, une rampe de lancement de V1, qui ne sera jamais opérationnelle, a été construite dans un petit bois jouxtant ce champ. Ce site a été plusieurs fois bombardé par les Alliés.

La carcasse du Bloch 152 devait être un excellent point de repère pour les bombardiers alliés. Suite à un des bombardements de la rampe de V1, les Allemands ont fait disparaître cette épave dans un des cratères où nous l'avons retrouvée.

Nous supposons que l'autre moitié de cet avion est très probablement dans un autre trou de bombe rebouché, mais où ??

Ce champ est immense et nos moyens techniques actuels ne nous permettent pas encore de faire des investigations poussées à grandes profondeurs (plus de 2 m) sur d'aussi vastes étendues. Il faudrait y passer un temps fou et en plus, pour nous y aider .... les allemands ont "farci" le sous-sol de ce champ, à 2 mètres de fond environ, d'un vaste réseau toujours en place, de tuyaux de ferraille pour le raccordement aux réseaux électriques; eau et télécommunications du site de lancement des V1 et de ses nombreux bâtiments annexes. Ces bâtiments ont disparu mais le fouillis métallique souterrain est resté ...


La restauration des éléments récupérés
Le moteur Gnome et Rhone 14M à subit une restauration à la fin des années 90.Il a été entièrement démonté et traité dans les ateliers de la SNECMA. Nous l'exposons régulièrement lors de nos sorties. 

L'étambot, comprenant le patin, est exposé au musée des invalides.

 

Projet MB-152... 2012 !

 L'association Dassault Passion à commencé un projet de maquette numérique 3D du premier chasseur conçu par Marcel Dassault.
Laissons la parole à
Fabien Hörlin, responsable du Projet MB-152:

L’équipe est entrée, depuis le début de l’année 2012 dans la phase de dessin détaillé de chacune des pièces de la structure principale. En utilisant, entre autre, le module spécifique Catia V5 pour la conception des pièces aéronautiques en tôle pliée et cambrée, des tronçons entiers du MB-152 ont ainsi commencé à prendre forme. Parmi ces tronçons, la partie arrière du fuselage ainsi que les empennages horizontal et vertical sont particulièrement bien avancés.

La démarche consistant à modéliser le plus fidèlement possible la structure originale de l’avion a été facilitée par le fait que notre équipe ait pu avoir accès à des pièces d’époque retrouvées sur le site du crash d’un MB-152 tombé en Normandie en 1940. L’association (ANSA 39-45) qui a exhumé ces pièces nous a aimablement reçus et nous a permis de recenser toutes les reliques en leur possession. Parmi les pièces préservées, il y a des parties importantes de l’empennage horizontal ainsi qu’un caisson de voilure droite quasiment complet ! Grâce à de telles pièces nous avons donc été en mesure de valider ou d’affiner les hypothèses de construction de nos modèles de références géométriques, squelettes de droites et de plans indispensables pour assurer la cohérence de chacune des pièces entre elles. Quelle satisfaction de voir que nos épaisseurs relatives de voilure et de stabilisateur étaient correctes à quelques millimètres près !

De plus, l’étude attentive de ces reliques nous a permis de déduire tout une série de principes de conception et de fabrication. Nous avons ainsi pu constater que les panneaux d’intrados de la voilure étaient déjà conçus pour être démontables avec des bandes à écrous (principe toujours d’actualité sur nos Falcon). Par contre, il est intéressant de noter l’absence quasi-totale de pièces usinées (procédé industriel trop complexe à l’époque pour une production en grande série) et de voir par conséquent l’utilisation intensive de « bandes à doigts » en tôle et de pièces pliées dans la structure primaire (principes de fabrication relativement proches de ceux de nos Falcon legacy). C’est ce que décrit parfaitement l’un de nos membres lorsqu’il déclare que « le projet MB 152 est une occasion unique de se replonger dans l’esprit des designers des années 30, trouver les raisons des choix techniques et se rendre compte que ce qui était vrai il y a 70 ans l’est encore aujourd’hui. Il est toujours fascinant de se rendre compte de l’ingéniosité de nos prédécesseurs qui ne disposaient pas de nos moyens actuels ».

A travers ce projet de maquette numérique du premier chasseur conçu par Marcel Dassault, c’est bien le patrimoine de la Société que nous redécouvrons et que nous apprenons à décrypter. Nous mesurons ainsi le chemin technologique parcouru depuis les débuts des avions Dassault jusqu’à aujourd’hui, tracé par nos anciens du Bureau d’Études et que nous tachons de perpétuer aujourd’hui sur le SMS en autre. Bien-sur, notre travail sur le MB-152 est loin d’être fini mais nous continuons avec le même esprit, celui qu’un de nos membres définit ainsi : « Passion, Défis et Histoire ».

Voici quelques images de l'avancement du projet.

Départ de l'aile sous le regard de la caméra. A gauche, le Gnome et Rhône 14M restauré du MB152

l'opération de séparation de la jambe de train de sa fusée d'aile s'est bien déroulée. 


L'équipe en plein travail sur les éléments du Bloch152. un traitement anticorrosion est appliqué sur les pièces.



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